Décarboner l’automobile, un défi holistique

Plus de 20 % des émissions mondiales de CO₂ sont liées aux transports – et, pour leur écrasante majorité, aux transports routiers (la moitié concernant les voitures particulières). C’est dire si le secteur automobile est en première ligne face à l’urgence de décarboner nos modes de vie.
L’électrification, un levier clé mais qui ne règle pas tout
Notre industrie connaît actuellement la plus grande transformation de son histoire, avec l’électrification massive des véhicules particuliers et utilitaires légers. Ce passage à la motorisation électrique est un levier essentiel pour décarboner le transport dans le monde car, à l’usage, un véhicule électrique permet de diviser par 3 les émissions de CO₂ d’un véhicule thermique.
Plusieurs solutions technologiques existent en la matière et sont appelées à cohabiter, au côté des véhicules hybrides (HEV), hybrides rechargeables (PHEV) et des véhicules électriques avec prolongateur d’autonomie (EREV) qui réduisent déjà les émissions à l’usage et sont appelés à rester sur le marché le temps de la transition : véhicules électriques à batteries (BEV), véhicules à pile à combustible hydrogène, moteurs à combustion interne à hydrogène (H2 ICE)... – ces deux dernières solutions étant particulièrement adaptées à la mobilité lourde. C’est pourquoi un équipementier comme FORVIA peut fournir tout autant des composants de gestion de puissance pour les BEV que des réservoirs pour les fourgons à hydrogène. Il importe aussi de continuer à proposer des technologies à ultra-faibles émissions pour dépolluer les moteurs à combustion interne des voitures qui demeurent sur le marché – un aspect de la transition qu’on ne saurait oublier.

Pour autant, l’électrification du parc automobile ne règle pas tout. Si l’empreinte carbone d’un véhicule électrique, sur l’ensemble de sa durée de vie, est 50 à 70 % inférieure à celle d’un véhicule thermique, sa phase de production s’avère plus carbonée, notamment en raison des techniques actuelles d’extraction des métaux nécessaires à la fabrication des batteries. Il convient aussi de tenir compte de l’impact global des matériaux utilisés pour construire le véhicule.
D’où l’importance, pour assurer une électrification durable de la mobilité, de ne pas travailler que sur le moteur, mais de repenser l’ensemble des procédés de l’industrie et de s’intéresser au véhicule complet. Une révolution dans la révolution pour l’automobile, qui a d’ores et déjà commencé !
Une approche globale de la décarbonation du véhicule
Décarboner l’automobile impose en vérité de traquer les émissions de CO₂ dans chaque maillon de la chaîne de valeur de notre industrie : au niveau des usines (qui correspondent, dans notre jargon, aux « scope 1 et 2 » des émissions ; mais aussi au niveau de l’approvisionnement en matières premières à l’amont de la chaîne et, à l’aval, depuis l’utilisation par le consommateur final jusqu’au recyclage en fin de vie du produit (le « scope 3 »).
Les équipementiers automobiles, qui sont responsables de 75 % de la valeur du contenu des véhicules, ont un rôle clé à jouer à ces différents niveaux.
D’ores et déjà, chez FORVIA, nos efforts pour réduire la consommation énergétique de nos usines et utiliser de l’énergie électricité renouvelable produite sur site (grâce à l’installation de panneaux solaires) et achetée hors site (au travers de nos 2 fermes éoliennes notamment), nous ont permis d’améliorer d’un tiers environ l’efficience énergétique de nos opérations et d’atteindre 57 % d’électricité renouvelable. Nous travaillons aussi à optimiser notre logistique en réduisant le nombre de kilomètres parcourus, en optimisant le remplissage des camions et en testant progressivement des transports alternatifs pour les approvisionnements et livraisons.

Le grand défi désormais porte essentiellement sur le scope 3 (qui représente 99 % des émissions pour FORVIA) et impose de réduire l’empreinte carbone globale de chacun de nos produits. Ce qui demande de réinventer complètement notre manière de penser les véhicules, en nous appuyant sur les principes de l’économie circulaire et d’« utiliser moins, mieux et plus longtemps ». Concrètement, cela signifie adopter des architectes plus légères et frugales, utiliser des matériaux moins émetteurs de CO₂ et concevoir des produits réparables pour prolonger au maximum la durée de fonctionnement des voitures, ainsi que recyclables pour les valoriser en fin de vie.
Chez FORVIA, nous proposons ainsi des alternatives aux matériaux classiques pour réduire l’empreinte carbone de nos sièges, tel que l’acier bas-carbone, et nous développons nous-mêmes de nouveaux matériaux à faible empreinte CO₂ via notre filiale MATERI’ACT, qui sert l’ensemble de nos activités. Par exemple, NAFILEAN-R, notre matériau phare, réduit jusqu’à 85 % les émissions comparativement à un plastique classique et peut être utilisé pour toutes les pièces d’intérieur d’un véhicule.

Cette approche révolutionnaire de l’automobile, que nous appelons chez FORVIA « Design for Scope 3 », doit permettre de décarboner non seulement les véhicules électriques, appelés à se démocratiser dans les années à venir, mais aussi les véhicules thermiques et hybrides, qui resteront sur le marché un certain nombre d’années encore.
Allier durabilité, accessibilité, performance et désirabilité
Cette approche circulaire de la conception des véhicules a un autre objectif central : permettre à la voiture décarbonée de rester abordable, sans quoi elle ne sera pas adoptée à grande échelle.
Le développement des matériaux et des technologies bas-carbone ayant un surcoût inévitable, notre industrie travaille à le compenser à travers l’allègement des véhicules, de nouveaux designs qui minimisent l’utilisation de matériaux, l’accent mis sur l’évolutivité des pièces et des logiciels, ou encore la réduction des consommations énergétiques, en particulier des équipements électroniques. Le concept de siège modulaire de FORVIA par exemple, qui intègre ces différentes composantes, réduit d’ores et déjà d’environ 40 % les émissions par rapport à son équivalent traditionnel. S’il importe de penser, dès la conception des équipements automobiles, à la fin de vie du produit et à sa recyclabilité, des services dédiés à l’économie circulaire voient aussi le jour, à l’image du ReparLab de FORVIA Clarion Electronics ou de l’activité Lifecycle Solutions de FORVIA HELLA.

La limitation des coûts des technologies bas-carbone passe également par l’optimisation des procédés de fabrication et de développement. Pour la production de sièges, l’approche modulaire offre ainsi des synergies majeures dans la chaîne de valeur puisque les modules s’adaptent à diverses plateformes, ce qui permet une production de masse à proximité des usines de fabrication de véhicules et conduit à des économies de coûts importantes en amont et en logistique. Du côté de MATERI’ACT, le recours à l’IA générative aide à développer de nouveaux matériaux et processus plus rapidement et à des coûts plus compétitifs, en réduisant les facteurs de variabilité.
Car tel est l’autre grand enjeu de la voiture durable : offrir des performances qui soient à la hauteur des spécifications ultra-exigeantes de l’industrie, tant en matière de résistance et de sécurité, que de qualité perçue à l’œil ou au toucher. L’essor des matériaux bas-carbone est à ce prix.
Tout le défi, pour une entreprise comme MATERI’ACT, qui développe à partir de déchets plastiques et de biofibres (fibres de chanvre ou d’ananas par exemple) des composés et revêtements ayant vocation à remplacer, dans les intérieurs de voitures, les plastiques vierges et le cuir animal, est ainsi de faire d’un intrant variable un produit stable en termes de performance. Ce qui demande de maîtriser, de la spécification au traitement des déchets en passant par la formulation et l’approvisionnement, des expertises de pointe.
Reste à s’assurer ensuite que les constructeurs et les consommateurs s’approprient ces nouveaux matériaux. C’est un imaginaire entièrement neuf qu’il s’agit de recréer, en valorisant les sensations inédites et les histoires que ces produits ont à raconter – tels ces panneaux de porte revêtus de plastiques incrustés de coquilles d’huîtres, collectés en mer par Plastic Odyssey, partenaire de FORVIA...
Maîtriser la chaîne d’approvisionnement : un enjeu crucial pour atteindre la neutralité carbone
Dans un monde de plus en plus polarisé et menacé par les pénuries, sécuriser des volumes suffisants de matières premières sur le long terme est aussi pour les industriels un défi majeur.
L’enjeu est d’autant plus stratégique pour le secteur automobile que nos technologies bas-carbone sont dépendantes de ressources minières critiques comme le lithium, le cobalt ou les terres rares, utilisées dans les batteries et les moteurs de véhicules électriques et hybrides – sachant que ces dernières sont difficiles à extraire et à raffiner (ce qui représente un défi économique et industriel), mais aussi concentrées pour l’essentiel en Chine (ce qui ajoute un défi de souveraineté). D’autres métaux utiles comme le graphite, le nickel ou le cuivre sont moins critiques aujourd’hui mais pourraient le devenir, compte tenu des trajectoires de production exponentielle attendues.
Face aux tensions à prévoir sur le marché, l’industrie automobile doit faire du recyclage une source majeure d’approvisionnement, tout en développant de nouvelles chimies de batteries pour réduire l’utilisation de métaux critiques. En Europe, les constructeurs de véhicules électriques et hybrides rechargeables ont d’ores et déjà l’obligation de recycler les batteries en fin de vie. Mais la filière doit encore se structurer pour sécuriser durablement l’accès aux ressources.

C’est aussi le secteur des nouveaux matériaux, fabriqués à base de matériaux recyclés et biosourcés, qui est concerné. Tout l’enjeu, pour un MATERi’ACT, est de trouver des partenaires auprès desquels se fournir localement en déchets, afin de garantir la qualité et la pérennité de la chaîne d’approvisionnement tout en réduisant les émissions liées au transport, de manière à maintenir une empreinte carbone minimale : c’est le sens des partenariats et joint-ventures que nous développons dans les différentes régions du monde (Veolia en Europe, PCR Recycling aux États-Unis et GREE Electric Appliances en Chine).
Un même effet vertueux est attendu des réglementations visant à favoriser le « contenu local » des véhicules, ainsi qu’elles existent par exemple aux États-Unis et devraient être prochainement mises en place au sein de l’Union européenne, à la demande des fournisseurs de l’industrie automobile. Par-delà l’objectif de protéger la valeur ajoutée locale et de maintenir la compétitivité de ceux qui la produisent, de telles mesures permettent de réduire l’empreinte carbone de la chaîne d’approvisionnement en minimisant les importations de pièces depuis les pays à bas coût.
Quoi qu’il advienne des discussions européennes en cours, l’engagement de la chaîne d'approvisionnement est crucial pour décarboner notre industrie car les biens, services et transports achetés par les équipementiers de rang 1 représentent plus d’un tiers de leurs émissions de scope 3. C’est pourquoi, chez FORVIA, tous nos fournisseurs doivent désormais soumettre leurs feuilles de route carbone, notamment au travers de l’utilisation d’énergie verte et l’utilisation de matériaux durables et recyclés, car nous attendons d’eux une réduction de 45 % de leurs émissions de CO2 d’ici 2030.
2030, c’est aujourd’hui. 2045, c’est demain.
Par-delà les fournisseurs, c’est toute la chaîne de valeur qu’il importe de mobiliser si nous voulons accélérer la décarbonation de l’automobile : partenaires, constructeurs, usagers, employés de l’industrie, pouvoirs publics. Seule l’action collective permettra d’atteindre nos objectifs en temps voulu, et d’être à la hauteur du défi existentiel que représente pour l’humanité la préservation du climat.